En 2014, j’ai participé à une cérémonie de pipe sacrée guidée par Julie St-Louis, dans le cadre de l’atelier sur la roue de médecine offert par Amira et Jacques à la Chaumière Fleur Soleil. Cette odyssée intérieure ー et c’en fut toute une! ー constituait l’aurore d’une succession de visions qui ouvriraient la voie aux lanternes d’Astrancia. Nous étions une quinzaine réunis autour d’une même intention: plonger en soi pour obtenir réponses à nos questions. Absorbée dans un état de transe, je me suis retrouvée au cœur d’une grotte, nez à nez avec une sphère de lumière flottante. D’où venait-elle? Quelle était sa signification? J’ai émergé intriguée de ce mirage, ignorant la suite qui m’attendait…
L’art de la paix
Sous l’égide bienveillante de Julie St-Louis qui guidait la cérémonie de la pipe sacrée, nous sommes entrés d’une volonté commune dans un état de recueillement. On dit qu’il y a des centaines d’années, la Femme bison blanc a apporté le calumet de la paix aux peuples autochtones d’Amérique, dans le but d’unir en l’être humain les pôles féminin et masculin. Historiquement, la pipe était réservée aux hommes, mais l’évolution culturelle en fait aujourd’hui une expérience mixte. Il s’agit d’une pratique de silence et d’écoute où l’on fume le calumet pour atteindre notre sagesse intérieure.
Le feu qui réchauffe l’objet rituel traduit l’immuable braise de vie qui anime notre âme, siégée dans notre bassin. Le tabac contenu dans le réceptacle se compte comme une des plantes dont les racines creusent le plus loin sous terre. Ainsi employé dans un contexte intentionnel, il détient le pouvoir de nous ramener au creux de nos êtres. Lorsque le calumet vient à nous, nous envoyons au Grand-Esprit l’humble fumée de nos vœux. La plante se dissipe dans l’atmosphère et imprègne le moment de paix véritable. De même, un repère serein se crée en nous pour que l’on s’y ressource au quotidien.
Dans la fumée, la naissance du feu
Nous étions assis en cercle. Julie, porteuse des enseignements des Nehiyawak (Cris), a entamé la cérémonie en évoquant les prières aux sept directions. La pipe sacrée circulait de mains et mains quand, subitement, la salle s’est transformée en un infini désert de dunes orangées. Je n’apercevais plus les autres participants, seulement une gracieuse silhouette qui s’avançait en ma direction. Une dame recouverte d’un drapé beige s’est dessinée devant moi. Ses mains jointes en prière portaient un bol en céramique qu’elle me tendait avec une bienveillance solennelle. En apesanteur au-dessus de l’objet irradiait une boule de feu argentée ー absolument sublime. D’un regard plein d’infini, la prêtresse m’a confié la boule d’énergie en prononçant les plus douces paroles: «C’est le cœur qui parle, maintenant.»
«Le temps est venu de transformer votre cœur en un temple de feu. Votre essence est de l’or caché dans la poussière. Pour révéler sa splendeur, vous devez brûler dans le feu de l’amour.»
Rumi
Cette expérience mystique m’a rappelé que toutes les réponses se trouvent en nous-mêmes. Une clarté limpide m’a traversée: le feu allait être la clef de voûte de ma vocation. C’est à peine si je pressentais l’ampleur de ce que ça impliquait. Or, nul besoin d’éclairer tout le sentier pour pouvoir avancer ー seulement de savoir où poser le prochain pas. Du haut d’une perspective renouvelée, j’ai vu se créer à l’horizon l’esquisse des lanternes d’Astrancia.
